Le sommeil et les rythmes circadiens – 2016
Thème de l’Appel à Projets FRC 2016
Soit on dort, soit on est éveillé. Notre vie est rythmée par un cycle du sommeil. Au plan comportemental, le sommeil se caractérise par une faible activité motrice, une moindre réactivité aux stimuli externes, l’adoption d’une posture particulière (allongé, les yeux fermés), et sa grande réversibilité – c’est-à-dire le fait de pouvoir être interrompu relativement facilement – qui le distingue par exemple du coma.
Les phases du sommeil
La structure du sommeil n’est connue que depuis quelques dizaines d’années, à mesure que progressent les techniques d’électro-encéphalographie (EEG) qui permettent d’enregistrer les ondes émises par le cerveau. Il existe principalement 2 grands types de sommeil :
- le sommeil lent qui correspond à une activité cérébrale réduite. Les ondes sont alors lentes et amples.
- le sommeil paradoxal qui correspond à une activité cérébrale intense : on rêve. Le tracé de l’EEG devient paradoxalement très semblable à celui d’un sujet éveillé.
Ils composent 4 cycles ou stades qui durent chacun environ 1h30 et se répètent donc 5 fois par nuit si nous dormons en moyenne 7h30, comme c’est le cas pour la plupart des adultes. Après une très brève période de latence, un autre cycle commence et prend le relai du précédent.
Longtemps considéré comme un phénomène passif, simple résultat automatique d’une privation d’influx sensoriel, le sommeil apparaît aujourd’hui comme une authentique forme d’activité du cerveau. Divers groupes de neurones interviennent dans les phénomènes du sommeil paradoxal. L’atonie musculaire, caractéristique de cet état, ne s’explique donc pas par un relâchement passif des muscles, mais par le blocage de certains « motoneurones » de la moelle épinière par un inhibiteur relâché sous l’action de neurones du cerveau postérieur.
La régulation du sommeil a des bases neurales, autrement dit, le phénomène s’explique par l’activité d’un réseau complexe de neurones, localisé dans des aires différentes du cerveau. On a ainsi repéré un réseau responsable des ondes lentes, localisé dans le cerveau antérieur. Contrairement à ce que les savants ont longtemps cru, il n’y a donc pas un centre unique du sommeil ou de la veille. Ces phénomènes résultent d’une interaction complexe entre groupes de neurones, répartis au niveau de l’hypothalamus et du tronc cérébral.
Les rythmes circadiens
La racine latine de ce mot « circa dies » signifie : environ un jour. C’est exactement cela. Notre vie est rythmée par une horloge biologique interne. C’est un oscillateur moléculaire génétiquement programmé, composé de neurones situés dans l’hypothalamus de notre cerveau, qui a une période de l’ordre de 24 heures. Cette horloge centrale coordonne l’activité de nombreuses horloges situées dans différents tissus périphériques, ce qui explique que l’activité de la plupart des grands systèmes physiologiques de l’organisme fluctue selon le moment de la journée. En effet, le rythme circadien joue sur de nombreux mécanismes biologiques, physiologiques et comportementaux de l’être humain. Il régule tout notre métabolisme dont notre température, la circulation sanguine, la production d’hormones et bien sûr l’alternance veille-sommeil. De plus, celle-ci est guidée par une de ces hormones, la mélatonine, qui permet d’avancer ou de retarder l’endormissement pour s’adapter aux changements saisonniers de luminosité. Mieux comprendre ces phénomènes chronobiologiques est essentiel puisqu’ils contrôlent nos fonctions vitales, le temps de nos corps et de nos esprits.
Les troubles du sommeil
Avez-vous bien dormi ? Cette question n’est pas anodine. Passer une bonne nuit n’est pas seulement se reposer. Durant notre sommeil, notre cerveau est actif. Il travaille à son bon fonctionnement et à celui de l’ensemble de notre organisme. Ce qui fait que les troubles du sommeil, qui affectent sa durée et sa qualité, sont les causes ou les conséquences de plusieurs pathologies physiques et psychologiques qui concernent diverses spécialités médicales.
Près de 10 % de la population française est insomniaque. A l’inverse, 8 % souffrent de somnolences diurnes excessives avec des conséquences graves car sur les routes, un décès sur 3 est provoqué par un endormissement au volant. De plus, des troubles moteurs ou respiratoires liés au sommeil entraînent des comorbidités, c’est-à-dire plusieurs maladies. Le syndrome d’apnée du sommeil touche 5 à 7 % d’entre nous, surtout après 50 ans et en cas de surpoids. Ces personnes arrêtent de respirer plusieurs fois par nuit, ce qui cause des fatigues persistantes, augmente les risques cardiovasculaires et les dangers d’AVC. Plus de 8 % des français sont victimes du syndrome des jambes sans repos dont 2 % de formes sévères, à 90 % d’origine héréditaire.
La compréhension de ces troubles, notamment l’insomnie, a peu progressé ces dernières années. Est-elle associée à l’anxiété et aux dépressions ? Y-a- t-il une combinaison de prédispositions génétiques et de facteurs déclenchant comme des événements stressants ? Plus de 18 % de nos concitoyens consomment des somnifères ou anxiolytiques. Or une étude récente montre que la prise régulière des plus courants d’entre eux, les benzodiazépines, accroît le risque de développer une maladie d’Alzheimer. Le somnambulisme concerne 17 % des enfants. D’autres troubles comportementaux surviennent pendant le sommeil paradoxal. Ils affectent surtout les plus de 50 ans. Les symptômes sont bruyants, parfois violents. Ils amènent les patients à consulter et sont souvent annonciateurs de la maladie de Parkinson.
Le sommeil, c’est la santé !
Dormir est indispensable au développement et à la maturité cérébrale. Le sommeil permet la mise en place de circuits neuronaux, dont celui de la vision. Il contribue à l’apprentissage et à la gestion des émotions. Un sentiment négatif peut être mémorisé puis expurgé durant la nuit. Au contraire, le manque chronique de sommeil pourrait expliquer en partie la hausse de l’obésité et du diabète tardif. La qualité du sommeil est aussi liée à celle de la réponse immunitaire, entre autres grâce à la production de cytokines, avec des effets probables sur la susceptibilité aux infections ou la prédisposition au développement de tumeurs et cancers…
Et la recherche ?
Dans le cadre de l’Appel à projets FRC 2016 « Sommeil et/ou Rythmes circadiens », les chercheurs vont s’efforcer de mieux connaître les mécanismes impliqués dans les troubles du sommeil et des rythmes circadiens pour comprendre les diverses maladies qui leur sont liées afin d’y apporter des solutions thérapeutiques. Leurs travaux porteront sur les comorbidités, les points communs entre plusieurs de ces pathologies. Il s’agit de favoriser les avancées neuroscientifiques fondamentales pour les transformer en progrès cliniques, bénéfiques aux malades et à leurs familles. C’est pourquoi la FRC, fidèle à son approche transversale et multidisciplinaire, propose aux chercheurs de travailler sur ce thème.
Étude du sommeil en EEG.
La cartographie EEG nécessite de positionner au moins 16 électrodes d’enregistrement sur le scalp et des électrodes d’enregistrement polygraphique des mouvements oculaires, de l’activité des muscles du menton, des diverses respirations (nasale, buccale, thoracique, abdominale) par des capteurs appropriés, en plus de l’électrocardiogramme et des mouvements du lit, au cours d’enregistrement de sommeil de nuit.
Inserm / Etevenon, Pierre
Carte EEG du stade I d’endormissement. Les zones activées en couleur correspondent à différentes aires cérébrales (audition etc…)
Inserm / Etevenon, Pierre