Les émotions
Peur, joie ou tristesse, autant d’émotions que nous ressentons. On s’est longtemps demandé où les émotions avaient leur « siège » dans le corps. Depuis l’Antiquité, les différentes écoles médicales et philosophiques ont proposé des théories rivales à ce sujet : sont-elles dans le cœur, le sang ou encore la bile ? Aujourd’hui, les neurosciences cherchent la localisation de nos émotions dans notre cerveau, espérant constituer une véritable « biologie des émotions » ou encore une « neurologie des affects ».
Une localisation des émotions qui fait débat
Si le projet d’une localisation anatomique du « cerveau des émotions » remonte au moins aux travaux de l’anatomiste Franz Josef Gall (1758-1828), initiateur de la phrénologie, les principaux développements expérimentaux datent de la période contemporaine. Le neurophysiologiste américain Walter Cannon (1871-1945) étudia des sujets atteints de lésions cérébrales et privés de certaines émotions pour conclure que l’hypothalamus était l’un des centres cérébraux des émotions. En 1937, sa thèse fut complexifiée par l’anatomiste James Papez (1883-1958) qui tenta d’expliquer les émotions ressenties par le sujet par l’action d’un circuit reliant l’hypothalamus au cortex médian. En 1952, Paul MacLean (1913-2007) utilisa pour la première fois l’expression de « système limbique » pour désigner le cerveau viscéral du rhinencéphale, dont il fait le centre des émotions. Selon MacLean, il s’agit d’un système intégré comprenant, outre le circuit de Papez, l’amygdale, le septum et le cortex préfrontal.
Il n’y a pas un, mais plusieurs « cerveaux émotionnels »
La théorie de MacLean est d’une importance capitale dans l’histoire des neurosciences, notamment en vertu de cette idée forte que le circuit cérébral des émotions peut être indépendant de celui de la cognition. Son identification du système limbique à un « cerveau émotionnel » a cependant été remise en cause, les chercheurs soulignant l’extrême diversité de nos émotions et leur rattachement à plusieurs circuits plutôt qu’à un centre unique. Il y aurait donc plusieurs « cerveaux émotionnels » dans le cerveau, chaque émotion correspondant à une unité cérébrale distincte ou à un système composé de plusieurs unités cérébrales interconnectées.
Les neurosciences s’attachent ainsi aujourd’hui à étudier des émotions bien précises, plutôt que les émotions en général, en cherchant à identifier d’éventuels circuits cérébraux correspondants.
Zoom sur une émotion partagée de tous : la peur
La peur, émotion simple, clairement identifiable et partagée par les animaux, a ainsi fait l’objet de grandes études expérimentales récentes, notamment par le chercheur new-yorkais et pionnier de la neurologie des émotions Joseph LeDoux.
Il apparaît que les réactions de peur sont principalement contrôlées par l’amygdale – une structure en forme d’amande située dans la partie antérieure du lobe temporal. Celle-ci envoie des « outputs » en direction de certains noyaux du système nerveux et de l’hypothalamus, qui commande les sécrétions hormonales de l’hypophyse. Par ailleurs l’amygdale est connectée à tous les cortex sensoriels ainsi qu’avec les différentes régions de cerveau liées à l’expression de la peur. Par ses multiples connexions, elle est en mesure d’influencer des facultés cognitives majeures telles que l’attention, la perception ou la mémoire, ce qui correspond à certains effets d’une peur intense, qui, en situation de danger, peut « empêcher de penser ». D’autres aires cérébrales enclenchent une série de réactions physiologiques qui réagissent en retour sur le cerveau et intensifient, en boucle, le phénomène. L’émotion de peur naît de cette chaîne physiologique complexe.
Il s’avère également qu’il y a en quelque sorte « deux routes » pour le déclenchement de la peur. Pour se faire comprendre, LeDoux prend l’exemple d’un promeneur en forêt, qui aperçoit du coin de l’œil l’image floue d’un bâton qui ressemble à un serpent. Le stimulus sensoriel parvient d’abord au thalamus. D’une part, instantanément, celui-ci actionne l’amygdale, qui amorce les réactions corporelles de peur et les réflexes de fuite. Mais d’autre part, parallèlement, le thalamus transmet l’image au cortex visuel qui l’analyse de façon précise : s’il s’agit effectivement d’une vipère, la peur est en quelque sorte validée et persiste, mais si le cortex visuel identifie l’image d’une branche morte, il enraye l’activité de l’amygdale et la peur cesse. On distingue ainsi une voie thalamo- amygdalienne de la peur (route courte) et une voie thalamo-cortico-amygdalienne (route longue).
On a de même mis en évidence un « circuit du plaisir » qui libère de la dopamine dans une structure située à l’avant du cerveau nommée l’accumbens, suscitant une intense sensation agréable.
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Crédit Photo : Thomas Hawk via VisualHunt.com / CC BY-NC
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« Il apparaît que les réactions de peur sont principalement contrôlées par l’amygdale […] qui est en mesure d’influencer des facultés cognitives majeures telles que l’attention, la perception ou la mémoire »
Neurone dopaminergique (la dopamine est un neurotransmetteur impliqué dans le désir, le plaisir, le mouvement).
Inserm / P. Michel
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