Un amplificateur pour réaliser des enregistrements simultanés de l’activité neuronale sous-tendant l’épilepsie et la cognition

Porteur du projet : Julien BASTIN et Philippe KAHANE – Institut des Neurosciences (GIN – Grenoble)

Titre du projet : Approches multiniveaux des oscillations neuronales dans les réseaux cognitifs et épileptiques (AMORCE)

Équipement financé grâce à l’opération Rotary-Espoir en Tête 2022 et sélectionné par le Conseil Scientifique de la FRC : un amplificateur pour enregistrements simultanés iEEG et SUA (single unit activity) pour un montant de 140 000 €

 

« Le financement du Rotary va permettre de mesurer pour la première fois l’activité neuronale au niveau cellulaire chez l’homme dans le réseau de régions cérébrales impliquées durant les prises de décisions économiques, ce qui permettra d’établir des liens directs entre les activités électriques au niveau cellulaire et des processus de prise de décision qui seront mesurés en combinant modélisation et tâches comportementales. » – Julien BASTIN

 

Description de l’équipement :

 

La chirurgie représente la seule option thérapeutique curative chez les patients épileptiques souffrant d’une épilepsie focale, dont les crises (qui proviennent d’un endroit du cerveau localisé) résistent au traitement médicamenteux. Les échecs restent cependant nombreux, et les interventions peuvent se grever de déficits post-opératoires difficiles à anticiper, même après évaluation pré-chirurgicale rigoureuse au moyen d’enregistrements électroencéphalographiques (EEG) intracérébraux. L’acquisition d’un amplificateur permettant d’enregistrer chez les patients épileptiques l’activité unitaire des neurones dans le cortex, de façon simultanée à l’enregistrement de l’activité de large populations neuronales, permettra aux chercheurs de Grenoble de mieux comprendre les interactions entre épilepsie et cognition.

 

Des microélectrodes spéciales fabriquées en France seront utilisées pour explorer des régions du cerveau inatteignables avec d’autres types de microélectrodes. De plus l’enregistrement de l’activité unitaire de neurone chez l’homme est un processus long et difficile car il n’est possible d’enregistrer qu’un nombre limité de neurone par patient, ce qui allonge notablement la durée des projets scientifiques. Les centres les plus avancés au monde enregistrent environ 50 à 100 neurones par patient. Afin de parvenir à un tel résultat, il est nécessaire d’enregistrer toutes les électrodes sur le même amplificateur. Cet amplificateur permettra aux chercheurs d’atteindre voire de dépasser cet objectif. A ce jour, seuls 2 centres sont dotés de cet équipement au niveau national, et son arrivée à Grenoble permettra des avancées majeures tant au niveau clinique que scientifique.

 

Cet équipement dédié aux patients épileptiques sera installé au CHU Grenoble-Alpes. Grâce à lui, 4 équipes de Grenoble pourront étudier les activités neuronales qui sous-tendent l’épilepsie et la cognition. L’équipement et les données seront mis à disposition de la communauté scientifique à travers la plateforme IRMaGe de Grenoble. Le concept clé du projet est qu’il existerait des mécanismes d’interférences entre les activités neuronales pathologiques et physiologiques. Comprendre ces interférences par une approche multi-échelles (de la cellule à la population de neurone) est l’objectif du projet. Pour tester l’existence de ces mécanismes, 3 axes principaux de recherche seront étudiés :

 

  • Le premier axe vise à tester et optimiser des algorithmes qui permettront d’identifier objectivement et automatiquement le tissu épileptique grâce à la détection multi-échelles d’oscillations rapides caractéristiques du tissu épileptique. Les chercheurs compareront ensuite l’utilité clinique des oscillations détectées et identifieront les mécanismes cellulaires sous-tendant les oscillations pathologiques.

 

  • Le second axe vise à identifier les fonctions des régions du cortex qui sont explorées, par les électrodes implantées chez les patients, grâce à l’utilisation de tâches cognitives. Les chercheurs se concentreront sur l’étude des mécanismes neuronaux de la prise de décision et la métacognition, autrement dit la capacité d’une personne à réfléchir sur ses propres processus cognitifs, domaine pour lequel Grenoble est en pointe avec deux équipes relativement jeunes ayant récemment fait des contributions scientifiques majeures. Par ailleurs, la caractérisation de la prise de décision revêt une importance clinique indéniable puisque de nombreux troubles décisionnels sont présents dans l’épilepsie.

 

  • Le troisième axe vise à intégrer les connaissances des deux premiers axes puisque l’objectif sera d’identifier précisément la nature des interactions entre les oscillations épileptiques et les oscillations cognitives et l’impact de ces interférences sur le comportement décisionnel et métacognitif des patients.

 

Ce projet AMORCE devrait ainsi permettre d’identifier de nouveaux biomarqueurs quantifiant sans ambiguïté l’épileptogénicité des tissus et leur intégrité fonctionnelle. 

 

Photographies : Inserm

Julien Bastin dirige une équipe de recherche INSERM (U1216, équipe « Cerveau, comportement et neuromodulation », Grenoble institut des neurosciences). Issu d’un parcours atypique et pluridisciplinaire, ses objectifs scientifiques visent à mieux comprendre la prise de décision par une approche fortement pluridisciplinaire. Afin de mieux comprendre les mécanismes neuronaux et computationnels de la prise de décision humaine, son équipe combine des outils de psychologie expérimentale, de modélisation (basés sur des travaux d’économie), et des neurosciences (électrophysiologie, lésion, stimulation…). La plupart des choix quotidiens sont souvent faits en moins d’une poignée de secondes, et Julien Bastin s’intéresse aux mécanismes neuronaux et aux principes mathématiques sous-jacents. Le type de question qui l’intéresse est de mieux comprendre les liens entre l’activité du cerveau et différentes composantes de la prise de décision (choix de type coûts/bénéfices par exemple). Lorsqu’il n’est pas au laboratoire, il aime escalader, pratiquer le yoga ou se baigner.

Philippe Kahane, est neurologue et neurophysiologiste, praticien hospitalier et professeur d’université à l’hôpital et à l’université de Grenoble-Alpes, en France. Il dirige l’axe des neurosciences cliniques de l’hôpital de Grenoble. Il dirige la Fédération des neurosciences cliniques à l’hôpital universitaire Grenoble Alpes. Il est reconnu comme un expert international dans l’évaluation pré chirurgicale des épilepsies pharmacorésistantes chez l’adulte et l’enfant. Ses recherches couvrent divers domaines de l’épileptologie et de la physiologie humaine, notamment la caractérisation des réseaux épileptogènes à l’aide d’enregistrements et de stimulations intracérébraux, l’évaluation des réseaux physiologiques, et la mise en œuvre de nouvelles thérapies chirurgicales telles que la stimulation cérébrale profonde. Il est rédacteur en chef adjoint de la revue internationale Epileptic Disorders et codirecteur de cours annuels de formation à l’international. Il est auteur ou co-auteur de plus de 250 articles dans des revues internationales indexées dans Medline, et a été invité à donner des conférences dans plus de 300 séminaires et réunions internationaux.

Cet équipement sera installé au sein de l’Institut de Neurosciences de Grenoble (GIN).

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