Par quel mécanisme s’opère les effets inverses de la caféine sur le cerveau en développement et sur le cerveau vieillissant ?
Porteur du projet : Sabine LEVI – Laboratoire Plasticité du Cerveau à l’ESPCI (Paris)
Titre du projet : L’impact de la caféine sur le cerveau en développement et sur le cerveau vieillissant : un véritable dilemme
Le projet est conjointement soutenu par le Fonds de dotation AFER et la FRC. L’expertise scientifique a été assurée par le Conseil Scientifique de la FRC.
Montant : 79 996 €
« Nous pensons que sans ce financement, la partie la plus importante et prometteuse de ce projet qui consiste à tester une hypothèse nouvelle au niveau moléculaire ne pourrait aboutir. Nous sommes donc très reconnaissants à la FRC de nous permettre de mener à bien ce projet. […] Je souhaite que ce travail permette d’identifier un mécanisme clé à l’origine de la construction des réseaux neuronaux et à savoir si ce mécanisme est dérégulé dans la maladie d’Alzheimer, ce qui à terme constituerait une cible de choix dans certaines maladies neurodéveloppementales ou neurodégénératives associées avec une perte nette de synapses. » – Sabine Levi
En résumé
La caféine peut affecter la santé humaine différemment selon la période d’exposition : il a été montré qu’une exposition périnatale a des effets néfastes sur le développement du cerveau pouvant mener à de l’épilepsie ou d’autres maladies psychiatriques tandis qu’elle aurait des effets bénéfiques sur le déclin cognitif lié à l’âge, survenant par exemple dans la maladie d’Alzheimer. L’équipe de Sabine Levi émetet l’hypothèse que ces effets passeraient par le contrôle de l’élimination et de la formation de certaines connexions nerveuses (synapses). Ce projet permettra de mieux comprendre les maladies neuro–développementales et neurodégénératives associées à une perte nette de synapses, afin d’identifier de nouvelles pistes thérapeutiques.
Descriptif du projet
La caféine est la substance psychoactive la plus consommée dans le monde, y compris durant la grossesse et l’allaitement. Elle affecte la santé humaine selon la période d’exposition. L’équipe de Sabine Levi a montré qu’une exposition périnatale a des effets néfastes sur la maturation cérébrale, favorisant crises d’épilepsie et perte de mémoire. À l’inverse, la caféine limite le déclin cognitif lié à l’âge. L’équipe de Sabine Levi et son partenaire souhaite identifier les mécanismes liés à ces effets paradoxaux.
Dans ce projet, les chercheurs testeront l’hypothèse selon laquelle les effets négatifs et positifs de la caféine, en fonction de la période d’exposition, sont liés à la régulation des connexions nerveuses excitatrices (les synapses glutamatergiques). Ils souhaitent déterminer si cette régulation s’opère par un mécanisme dépendant d’un récepteur particulier (le récepteur à l’adénosine A2A) présent dans les neurones et/ou dans les cellules immunitaires du cerveau (les cellules microgliales). Les récepteurs fonctionnent comme des détecteurs spécialisés : ils s’activent lorsque la ou les bonnes molécules se fixent dessus, ici le récepteur A2A s’active lorsque l’adénosine s’y fixe mais se bloque si la caféine et ses analogues s’y lient.
- Un premier objectif sera de déterminer si les effets négatifs de la caféine au cours du développement s’opèrent via une augmentation de l’élimination synaptique et/ou une réduction du nombre de synapses nouvellement formées. Puis, ils détermineront notamment si ces effets sur la régulation des synapses passent par les récepteurs A2A neuronaux ou microgliaux. Ils testeront également les conséquences de la caféine à court et à long terme sur le réseau neuronal, la mémoire, les interactions sociales et la susceptibilité aux crises d’épilepsie chez la progéniture exposée transitoirement à la caféine ou à une autre molécule analogue pendant la période cruciale de formation des synapses (synaptogénèse).
- Le second objectif permettra d’élucider quant à lui l’impact positif de l’exposition à la caféine dans un contexte lié au vieillissement et à la neurodégénérescence dans un modèle de tauopathie. Les chercheurs étudieront le remodelage des synapses excitatrices et des circuits hippocampiques, l’impact sur la morphologie des cellules microgliales et l’élimination des synapses par les microglies ainsi que le lien avec les récepteurs A2A neuronaux et/ou microgliaux, dans un modèle de démence.
Ce projet permettra de fournir des données importantes en termes de santé publique mais également de mieux cibler les maladies neuro-développementales (épilepsie, maladies psychiatriques) et neurodégénératives (maladie d’Alzheimer) associées à une perte nette de synapses.
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L’équipe de Sabine Levi travaillera sur ce projet avec l’équipe de Luc Buée de l’Institut Neurosciences et Cognition de Lille, qui est experte des mécanismes moléculaires et cellulaires concourant à la maladie d’Alzheimer et aux tauopathies ainsi que des actions de la caféine et de ses récepteurs dans le cerveau.
Photographies : Pexels
PROJET CO-FINANCÉ PAR LE FONDS DE DOTATION AFER
Le Fonds de Dotation AFER pour la Recherche Médicale a pour objet de financer directement ou à travers des organismes à but non lucratif des actions d’intérêt général dans le monde et en particulier en France en faveur de l’allongement de la durée et de la qualité de vie humaine. C’est dans ce cadre qu’il soutient cette année ce projet de recherche innovant pour concevoir de nouvelles approches thérapeutiques pour des maladies du cerveau.
La chercheuse
Après une thèse en Neurosciences à l’IBENS Paris entre 1994-1998 dans le laboratoire du Dr A. Triller et un post-doc aux Etats-Unis entre 1998-2001 à l’Univ. Washington (St Louis, MO), Sabine Levi a été recrutée comme chargée de recherche au CNRS en 2001. Elle est actuellement DR1 et dirige une équipe de recherche « La synapse dynamique » à l’ESPCI (UMR CNRS 8249) à Paris. L’équipe s’intéresse aux mécanismes cellulaires et moléculaires dynamiques à la base de la formation et de la plasticité des synapses dans le cerveau en utilisant des approches d’imagerie à l’échelle nanométrique.
Le centre de recherche
Ce projet est issu d’une équipe du laboratoire « Plasticité du Cerveau » de l’ESPCI (Paris)