Schizophrénie : la nicotine ouvre-t-elle une nouvelle piste thérapeutique ?
Selon une récente étude française*, la nicotine permettrait de rétablir l’activité de cellules nerveuses dont le déficit est associé à des troubles psychiatriques, comme la schizophrénie. Ce résultat, paru dans « Nature Medicine » le 23 janvier 2017, laisse présager une nouvelle piste thérapeutique pour le traitement de cette pathologie psychiatrique.
Déroulé de l’expérience
De nombreux patients schizophrènes présentent une forte dépendance à la nicotine. Le recours au tabagisme serait une forme d’automédication, une manière de compenser les déficits dus à leur maladie.
Chez les sujets sains, l’activité du cortex préfrontal (région du cerveau impliquée dans les capacités cognitives, la prise de décision, l’interaction sociale, le contrôle des pulsions…) est modulée par divers neuromédiateurs, dont l’acétylcholine, qui agit via des récepteurs nicotiniques situés à la surface des cellules nerveuses. Or, les analyses du génome entier (GWAS, gene-wide association studies) et la neuroimagerie in vivo ont montré chez les schizophrènes à la fois une mutation fréquente du gène CHRNA5 codant une sous-unité (appelée alpha5) des récepteurs nicotiniques et une hypoactivité du cortex préfrontal.
Afin de voir s’il existe une relation cause-effet entre la mutation et cette hypoactivité, les chercheurs ont produit des souris génétiquement modifiées porteuses de la même mutation sur le gène CHRNA5, et analysé l’activité des neurones dans leur cortex préfrontal. Des déficits comportementaux affectant les interactions sociales et des performances sensorimotrices, correspondant à certains des symptômes de la schizophrénie, avaient déjà été notés chez les souris mutantes, montrant ainsi qu’elles constituent bien un modèle murin de la maladie. Grâce à diverses méthodes d’enregistrement in vivo, les chercheurs ont mis en évidence une nette diminution de l’activité neuronale dans le cortex préfrontal chez ces souris mutantes. Ces résultats les ont incités à traiter les souris avec de la nicotine pour tenter de stimuler les neurones hypoactifs du cortex préfrontal. Et, de fait, l’administration chronique de nicotine a rétabli le fonctionnement normal du cortex préfrontal laissant à penser que le tabagisme intensif, en compensant les effets de la mutation, permettrait de s’opposer au déficit affectant le cortex préfrontal chez les schizophrènes.
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Une piste thérapeutique prometteuse
Cette étude* ouvre la voie vers une nouvelle piste thérapeutique : une molécule présentant les mêmes capacités que la nicotine pour activer les récepteurs nicotiniques, mais dépourvue de ses effets nocifs (dépendance), pourrait constituer une véritable innovation dans le traitement de la schizophrénie, voire d’autres affections psychiatriques.
Cette étude a été menée par l’équipe du chercheur Uwe Maskos. Son projet qui vise à étudier les mécanismes cognitifs impliqués dans la dépendance à la nicotine a bénéficié d’un financement par la FRC en 2012 à hauteur de 50 000€.
* menée par des chercheurs de l’unité de Neurobiologie intégrative des systèmes cholinergiques (Institut Pasteur/CNRS), dirigée par Uwe Maskos, en collaboration avec des chercheurs de l’École Normale Supérieure (ENS) et de l’Inserm.
Source : Nicotine reverses hypofrontality in animal models of addiction and schizophrenia – Koukouli F et al., Nature Medicine, 2017 Jan 23
Photo : Inserm/Delapierre, Patrick
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Cette étude a été menée par l’équipe du chercheur Uwe Maskos. Son projet qui vise à étudier les mécanismes cognitifs impliqués dans la dépendance à la nicotine a bénéficié d’un financement par la FRC en 2012 à hauteur de 50 000€.
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