Modéliser les maladies neurobiologiques : obtention de neurones humains sans prélèvement du cerveau.

Pour étudier le cerveau quoi de mieux que d’analyser des neurones humains sans avoir à effectuer de biopsies cérébrales ? Le 21ème siècle aura vu se développer la possibilité d’obtenir des neurones humains en laboratoire à partir de tout type cellulaire.

 

Un grand nombre des avancées en neurosciences ont été permises par l’utilisation de modèles murins. Ce modèle fut pertinent du fait de ses similitudes avec le cerveau humain et de sa praticité (faible coût, petite taille, reproductible). Mais s’approcher du cerveau humain et de la réalité des individus fut longtemps un « challenge ».

En effet, les systèmes nerveux des murins et de l’espèce humaine présentent des ressemblances, mais ne sont pas identiques. Il est donc nécessaire de compléter ces modèles animaliers par des travaux sur des tissus humains. Certaines études scientifiques ont pu être réalisées sur des échantillons de cerveau humain post-mortem. Cependant, l’accès à ce type de tissu est limité et ce modèle possède lui aussi des limitations. Il fut donc pertinent de développer un modèle humain in vitro pour étudier le cerveau et les maladies neurologiques.

En 2007, le chercheur Shinya Yamanaka (Prix Nobel 2012) a publié un article permettant une grande avancée dans ce domaine. Le protocole mis en place permet de reprogrammer des cellules somatiques* humaines en cellules souches pluripotentes*. Ces cellules obtenues sont appelées iPSC*. Pour cela, des cellules somatiques sont prélevées à des individus et mises en culture en présence de 4 facteurs de pluripotence (Oct4, Sox 2, Klf, c-Myc). Ces molécules permettent d’induire un retour des cellules à un stade similaire à celui des cellules souches embryonnaires. Ces iPSC ont donc perdu leur spécificité tissulaire et peuvent se différencier en tout type cellulaire. Dans le cadre de l’étude du cerveau, ces cellules sont différenciées en neurones selon divers protocoles développés ultérieurement par diverses équipes de recherche.

Les étapes de reprogrammation de fibroblastes pour obtenir des neurones. (Schéma modifié «  Les echos »)

Ce modèle permet donc d’étudier des maladies neurologiques avec des neurones humains dérivés directement de patients. Le but est de révéler un phénotype neuronal pour une maladie afin de mieux comprendre le mécanisme biologique en cause. En plus de permettre la modélisation de maladies, ce modèle permet de réaliser des tests pharmacologiques sur des cellules humaines. A ce jour, de nombreuses études ont utilisé ce modèle, et le nombre d’équipes de recherche le développant ne cesse de croître. Des maladies neurodéveloppementales et neurodégénératives telles que l’autisme, la schizophrénie, la sclérose latérale amyotrophique et la maladie de Parkinson ont été ainsi étudiées.

Cependant, tout comme les autres modèles, les cellules reprogrammées présentent certaines limitations (manque de maturité cellulaire, risque de modification épigénétique). Le modèle idéal serait probablement la combinaison des différents modèles existants.

 

Publications :
Cellular models to study schizophrenia: A systematic review. Manasa Seshadria, Debanjan Banerjeea, Biju Viswanatha, Ramakrishnan Ka, Meera Purushottama, Ganesan Venkatasubramaniana, Sanjeev Jaina. Asian J Psychiatr. 2017 Feb;25:46-53
Induction of Pluripotent Stem Cells from Adult Human Fibroblasts by Defined Factors Kazutoshi Takahashi, Koji Tanabe, Mari Ohnuki, Megumi Narita, Tomoko Ichisaka, Kiichiro Tomoda and Shinya Yamanaka. Cell. 2007 Nov 30;131(5):861-72.
Therapeutic opportunities and challenges of induced pluripotent stem cells-derived motor neurons for treatment of amyotrophic lateral sclerosis and motor neuron disease. Manoj Kumar Jaiswal. Neural Regen Res. 2017 May; 12(5): 723–736
Using induced pluripotent stem cells derived neurons to model brain diseases. Cindy E. McKinney. Neural Regen Res. 2017 Jul; 12(7): 1062–1067

 

Photo en une : © Riken

_____

Pour recevoir les actualités de la recherche, inscrivez-vous à notre newsletter :

Mots-clés

Cellules somatiques : cellules différenciées (cellules de peau, du cœur, du foie)

Cellules pluripotentes : capables de se multiplier à l’infini et de se différencier en types de cellules qui composent un organisme

iPSC : « induced Pluripotent Stem Cell » = cellule souche pluripotente induite

SOUTENEZ LES CHERCHEURS

Pour que la recherche sur les dysfonctionnements du cerveau progresse, vos dons sont indispensables.

► Faire un don

Partager cet article

Facebook
Newsletter
moimoncerveau.org