Une plateforme pour l’analyse des comportements et l’enregistrement de l’activité cérébrale chez le primate non humain

Mise à jour de la page : le 31/01/2022

Porteur du Projet : Jean-René DUHAMEL – Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod – Bron (Lyon)

Titre du projet : « NeuroEthoLog : un dispositif d’analyse neurocomportementale pour le primate non-humain »

Équipement financé grâce à l’opération Rotary-Espoir en Tête 2018 et sélectionné par le Conseil Scientifique de la FRC : une plateforme de neuro-éthologie pour un montant de 195 650 €.

 

Description du projet

Du fait des similitudes existant entre les espèces, le primate non-humain est un modèle particulièrement pertinent pour aborder l’étude des fonctions mentales et de leurs bases cérébrales chez l’homme. Cependant, l’approche communément utilisée dans les laboratoires de neurophysiologie implique différents degrés de contention physique et des conditions de stimulation sensorielle et de mouvements nécessairement réduites pour l’animal. Cette approche a donc ses limites puisqu’elle ne permet pas des investigations chez l’animal libre de ses mouvements en interaction naturelle avec son environnement physique et social. Des approches plus écologiques et moins invasives que par le passé sont ainsi nécessaires pour l’analyse des relations cerveau/comportement.

 

Les avancées récentes en matière de micro-électronique et d’informatique appliquée rendent désormais possible la conduite d’expériences contrôlées dans des contextes plus riches et éthologiquement (l’éthologie étant l’étude des comportements des espèces animales) valides. La mise en place d’une plateforme de neuro-éthologie à l’Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod à Bron permettra de réaliser des enregistrements intracérébraux de larges populations neuronales et d’analyser les comportements moteurs et cognitifs concomitants de singes entièrement libres de leurs mouvements. Dans sa conception, cet outil polyvalent sera particulièrement approprié pour la conduite de recherches dans différentes thématiques, telles que le développement sensorimoteur et cognitif, le contrôle de l’action, les bases cérébrales de la mémoire, les comportements sociaux et affectifs, l’autisme, les maladies neurodégénératives.

 

Il s’agira d’une plateforme unique en France et certainement une des premières à voir le jour au niveau international. Principalement destinée aux chercheurs de l’Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod, des chercheurs extérieurs pourront également y avoir accès dans le cadre de collaborations scientifiques. Conçue pour offrir un environnement expérimental flexible, cette plateforme rendra possible la réalisation de programmes de recherche très diversifiés, dès lors que leur but est de mieux comprendre les fonctions motrices et cognitives des primates à l’échelle des réseaux et des circuits neuronaux.

 

La plateforme de neuro-éthologie

 

La plateforme est opérationnelle depuis début 2021. Plusieurs dispositifs ont été acquis et assemblés sur place (équipements optiques, électroniques et mécaniques). Le logiciel d’acquisition et de traitement des données de l’enregistrement vidéo a été développé de novo par deux ingénieurs recrutés spécialement à cet effet. Les chercheurs disposent ainsi d’un instrument très puissant, parfaitement adapté à leurs besoins, et dont l’architecture ouverte permettra de le faire évoluer ou de le dupliquer à moindre coût.

La plateforme est utilisée quotidiennement pour l’observation du comportement des animaux et l’acquisition de données électrophysiologiques. Elle permet aux chercheurs d’acquérir des séquences vidéo lorsque les animaux se déplacent librement et interagissent avec leur environnement physique ou social au sein d’une grande volière. Ces images sont ensuite traitées par de puissants algorithmes qui mesurent en temps réel la position d’un animal et détectent et enregistrent précisément la cinématique de ses actions. Cela permet d’étudier des comportements du répertoire naturel du primate qui ne peuvent s’exprimer dans un laboratoire traditionnel où la liberté de mouvement des animaux est très restreinte. Elle permet également d’étudier les mécanismes cérébraux sous-jacents à ces comportements, grâce à l’utilisation d’un dispositif sans fil connecté à des électrodes de haute densité implantées de façon permanente dans des régions d’intérêt en fonction du problème étudié.

Les premières acquisitions montrent l’excellente qualité des données comportementales et électrophysiologiques recueillies. A noter que la création de cette plateforme de neuroéthologie, rendue possible grâce au soutien d’Espoir en Tête, a été un puissant levier pour l’équipe puisqu’elle a permis d’obtenir un prestigieux financement européen ERC-Advanced (2,4M€) qui leur permettra de poursuivre leurs recherches dans les cinq prochaines années.

 

Prochaines utilisations prévues

 

  1. La mémoire des lieux : des primates sont entraînés à effectuer des déplacements dans différentes zones de l’espace à la recherche de récompenses alimentaires tandis que l’activité des neurones hippocampiques est enregistrée. Cette expérience permettra de mieux comprendre les mécanismes neuronaux responsables de la mémoire des lieux, une faculté fortement altérée dans les processus neurodégénératifs tels que la maladie d’Alzheimer.

 

  1. Comportements d’approche et d’interaction sociale : cette plateforme sera utilisée pour tester l’hypothèse selon laquelle l’ocytocine régule les comportements affiliatifs des primates (par exemple, le regard mutuel, l’approche, le comportement de toilettage). L’ocytocine est une hormone qui joue un rôle clé dans le comportement social et qui pourrait être impliquée dans des troubles neurodéveloppementaux comme l’autisme.

 

  1. Actions observées et actions exécutées : l’activité des neurones miroirs dans le cortex prémoteur sera enregistrée pendant l’exécution de gestes qui font partie du répertoire naturel des primates tels que marcher, sauter, saisir de la nourriture, manipuler un objet, ainsi que pendant l’observation des mêmes actions réalisées par un congénère. Ce phénomène de miroir est bien connu mais n’a jamais été observé auparavant dans un contexte non contraint.

 

Les équipes utilisatrices 

L’utilisation de la plateforme d’éthologie en est encore à son tout début. Pour l’instant, trois équipes de l’ISCMJ y ont réalisé des études pilotes :
– Equipe « NeuroPrime » (J.-R. Duhamel et S. Wirth)
– Equipe « Neurosciences sociales et développement comparatif » (P.F. Ferrari)
– Equipe « Pathologies du cerveau » (A. Sirigu et C. Demily)

Légende : L’équipe NeuroPrime coordinatrice du projet

 

Publications 

Aucun article n’a encore été publié, mais il y a eu deux communications à des congrès :

  • Ameloot A. et al., Anatomy of the OXT system in non-human primates. Société française des neurosciences. 19-21 mai 2021 (poster)
  • Duhamel J.-R., Primate social cognition: role of the cortico-limbic system. Société française des neurosciences. 19-21 mai 2021 (conférence plénière)

 

 

Jean-René Duhamel, est Directeur de Recherche et responsable de l’équipe « Neurophysiologie des Processus Cognitifs » à l’Institut des Sciences Cognitives de Lyon. Ses travaux portent sur l’organisation fonctionnelle du cortex cérébral, les bases neurales de la perception, de la mémoire et des émotions, à travers une approche multidisciplinaire chez l’animal et l’homme, allant de la cellule au comportement. Il a obtenu, entre autres reconnaissances, la Médaille d’Argent du CNRS, le Prix Mémain-Pelletier de l’Académie Nationale des Sciences et le Prix d’Ophtalmologie de la Fondation de France.

Témoignages du chercheur

“Cet équipement est un prototype unique, ouvrant un nouveau champ de recherche qui allie les neurosciences à l’éthologie comportementale et permet d’étudier les relations cerveau-cognition d’une manière inédite et dans un plus grand respect du bien-être animal. A travers les collaborations que nous mettrons en place grâce à cette plateforme, mon ambition est de mettre notre savoir-faire et nos techniques au service de recherches à visée préclinique, notamment dans le domaine de l’autisme. Notre ambition en effet est de mettre au point des modèles animaux des troubles de l’interaction sociale qui serviront à tester des hypothèses en lien avec la physiopathologie et évaluer des modalités thérapeutiques nouvelles.”

“L’aide de la FRC-Rotary nous est très précieuse car les sources de financement classiques consentent rarement ce type d’investissement. Donc merci pour votre aide précieuse et continuez à soutenir la recherche sur le cerveau, les chercheurs ont besoin de vous !”

Le centre de recherche

Ce projet est issu d’une équipe de l’Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod à Bron.

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