Le développement de nouveaux vaccins

La mise au point de la vaccination par Louis Pasteur en 1885 a révolutionné la médecine et a permis depuis de lutter contre de nombreux virus. L’arrivée du génie génétique, un ensemble de techniques permettant de modifier le génome d’un organisme, a entraîné le développement de nouvelles formes de vaccins totalement innovantes, comme les vaccins à ARN. Ces vaccins d’un genre nouveau sont aujourd’hui d’un grand espoir dans la lutte contre la Covid-19. Ils permettent également d’accroître notre socle de connaissances sur la vaccination, ce qui constitue un apport certain pour combattre d’autres maladies non virologiques comme les pathologies neurologiques.

 

Les débuts de la vaccination

La technique de la vaccination consiste à présenter à l’organisme l’agent infectieux (virus, bactéries…) d’une pathologie sous forme vivante mais très atténuée, ou bien sous forme inactive, de façon à déclencher une réponse immunitaire qui sera gardée en mémoire par l’organisme. Ainsi, lors d’une vraie contamination, les défenses immunitaires seront activées plus rapidement et plus fortement pour combattre l’infection.

En 1885, Louis Pasteur met au point le premier vaccin humain capable de protéger contre le virus de la rage1. Ce vaccin est établi en isolant et en atténuant la souche contagieuse d’origine. Cette technique consiste ainsi à « fatiguer » le virus originel par différents procédés, afin de le rendre incapable de provoquer une infection mais suffisamment actif pour stimuler les défenses immunitaires. Ils sont nommés vaccins vivants atténués (ex : vaccins contre la rougeole et la rubéole). Peu à peu, les recherches s’écartent de ce principe d’atténuation pour opter pour l’inactivation du virus par des traitements physiques ou chimiques : les vaccins inactivés voient le jour (ex : vaccins contre le tétanos et la poliomyélite). Ces vaccins contiennent seulement une partie de l’agent infectieux capable de déclencher la production d’anticorps, souvent associée à une molécule augmentant cette propriété.

 

Les vaccins à vecteur viral

Ces approches plus traditionnelles se révèlent toutefois assez longues à développer. Depuis les années 60-70, les avancées biotechnologiques majeures permettent le développement d’un nouveau type de vaccins, les vaccins à vecteur viral.  Ces vaccins, au contraire des vaccins vivants atténués ou des vaccins inactivés, ne contiennent pas l’agent infectieux capable de transmettre la maladie. A la place, ils utilisent un autre virus complètement inoffensif et capable de se répliquer dans le corps humain. Celui-ci est qualifié de vecteur viral, car il contient un code génétique de l’agent infectieux qui permettra, une fois véhiculé dans la cellule humaine, de fabriquer les antigènes qui seront reconnus par le système immunitaire. Des vaccins de ce type sont actuellement à l’essai, notamment contre le VIH2 et le paludisme3. Les vaccins à vecteur viral ne contenant qu’une partie très ciblée d’ADN viral, ils ne peuvent en aucun cas transmettre la maladie que l’on cherche à vacciner. Ils sont de plus très stables et permettent d’induire une immunité solide dans l’organisme.

 

Les vaccins à matériel génétique

Technique la plus innovante de toutes, les vaccins à matériel génétique (= vaccins à ADN ou à ARN) peuvent être développés très rapidement et ne contiennent aucun virus. Seule une partie du matériel génétique du virus est injectée dans l’organisme, afin que les cellules humaines synthétisent d’elles-mêmes une protéine virale (ou antigène) caractéristique du virus qui sera reconnue par le système immunitaire.

Dans le cas des vaccins à ADN, on injecte une molécule d’ADN synthétique prenant la forme d’un plasmide (ADN circulaire) et portant les gènes du virus responsable de la synthèse de son antigène. Le plasmide doit atteindre le noyau de la cellule pour être décodé, transcrit en ARN puis traduit en protéine correspondante. Ce type de vaccin est encore à l’état expérimental chez l’homme, car les plasmides ont du mal à traverser la membrane externe des cellules pour atteindre la machinerie cellulaire.

Dans le cas des vaccins à ARN (comme les tout nouveaux vaccins développés par Pfizer et Moderna contre le SARS-CoV-2), le matériel génétique délivré est une molécule d’ARN messager. L’ARN est une copie transitoire de l’ADN qui permet à la cellule de synthétiser directement la protéine virale sans avoir à passer par le noyau. Il ne peut donc pas s’intégrer à notre génome. Moins stable que la molécule d’ADN, l’ARN est généralement enveloppé dans une capsule lipidique qui fusionne avec la membrane de la cellule humaine pour délivrer son contenu. Les vaccins à ARN ont l’avantage d’induire une réponse immunitaire puissante à de faibles doses et sans adjuvants mais doivent être conservés dans des conditions de stockage très froides pour éviter leur dégradation.

 

La vaccination pour freiner le développement de pathologies neurologiques ?

Les nombreuses innovations technologiques dans le domaine de la vaccination ont ouvert la porte à l’utilisation des vaccins dans la prévention d’autres maladies comme les cancers, les allergies ou les maladies auto-immunes. Qu’en est-il des pathologies neurologiques ?

Si aucun vaccin n’a encore été validé, plusieurs stratégies thérapeutiques vaccinales sont en cours d’investigation, notamment pour la maladie d’Alzheimer4 et la maladie de Parkinson5. Le vaccin AADvac1 fait actuellement l’objet d’une étude clinique de phase 2 dans la maladie d’Alzheimer. Il a été construit dans le but de faire produire par l’organisme des anticorps contre les formes toxiques de la protéine tau, mise en cause dans cette pathologie. Les premiers résultats montrent que ce vaccin est bien toléré et qu’il est capable d’induire une réponse immunitaire robuste. La suite nous apprendra s’il peut ralentir la progression de la maladie et en améliorer les symptômes, notamment cognitifs. Concernant la maladie de Parkinson, le vaccin Affitope PD01A est entré en étude clinique de phase 2 en 2020.  De la même manière, ce vaccin cible une protéine toxique, lα-synucléine, qui s’accumule et forme des agrégats dans les neurones des patients parkinsoniens. Affitope PD01A s’est pour l’instant révélé sûr, tolérable à long terme et efficace pour produire dans le cerveau des anticorps spécifiques contre cette protéine. Les prochains résultats nous diront s’il est capable d’enrayer la maladie.

 

Sources :

1 Article « L’histoire de la vaccination – Vaccins d’hier et d’aujourd’hui », 2 mars 2020, site internet vaccination-info.be.

2 Recombinant HIV-1 vaccine candidates based on replication-defective flavivirus vector. Giel-Moloney et al., Scientific Reports, 2019.

3 Adeno-Associated virus as an effective malaria booster vaccine following adenovirus priming. Yusuf et al., Frontiers in Immunology, 2019.

4 AADvac1, an active immunotherapy for Alzheimer’s disease and non-Alzheimer tauopathies: an overview of preclinical and clinical development. Novak et al., The Journal of Prevention of Alzheimer’s Disease, 2019.

5 Article « Affitope PD01A », 30 janvier 2020, site internet parkinsonsnewstoday.com.

 

Rédaction : Céline Petitgas, chargée des actions scientifiques de la FRC.

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