Le microbiote intestinal est capable de réguler l’inflammation cérébrale

Date de mise à jour de la page : Le 25/11/2021

Il est aujourd’hui bien établi que l’intestin communique très étroitement avec notre cerveau, notamment au travers de son microbiote. En effet, les milliards de bactéries qui cohabitent dans notre intestin influenceraient le fonctionnement de notre cerveau. En cas de déséquilibre, le microbiote intestinal pourrait jouer un rôle dans le développement de maladies neurologiques et psychiatriques, et de nombreuses études sont en cours pour mieux comprendre ces processus. A l’inverse, de nouveaux travaux publiés dans Nature* viennent de montrer que le microbiote intestinal peut avoir une fonction protectrice en régulant une population de cellules cérébrales qui permet de lutter contre l’inflammation du cerveau.

 

  • Activité anti-inflammatoire d’une population de cellules du cerveau 

Dans le cerveau, les neurones sont entourés d’autres types de cellules très abondantes regroupées sous le nom de cellules gliales. Parmi elles se trouvent les astrocytes, des cellules à la forme généralement étoilée dont les fonctions sont encore mal caractérisées à ce jour. Longtemps considérés comme de simples cellules de soutien physique au tissu cérébral, les astrocytes s’avèrent en réalité occuper des fonctions bien plus variées. Véritable partenaire actif des neurones, ils participent directement à la modulation de l’activité neuronale au sein des synapses, et jouent également un rôle dans le contrôle du flux sanguin cérébral, la régénération du tissu nerveux, ou encore la neuro-inflammation. En effet, il a récemment été montré un rôle anti-inflammatoire des astrocytes mais peu de choses sont encore connues sur cette fonction et sa régulation.

 

  • Le microbiote intestinal régule l’activité anti-inflammatoire des astrocytes

Des chercheurs du Brigham and Women’s Hospital à Harvard Medical School (Boston, USA), ont cherché à mieux caractériser cette fonction protectrice anti-inflammatoire des astrocytes. Ils sont parvenus à mettre en évidence une nouvelle voie anti-inflammatoire régulée par les bactéries résidant dans l’intestin.

En utilisant des techniques perfectionnées d’analyses de gènes, protéines et cellules, ces scientifiques ont identifié un nouveau sous-ensemble d’astrocytes situé près des méninges (les membranes enveloppant le système nerveux central) et exprimant des protéines particulières, LAMP1 et TRAIL. Ces astrocytes sont capables de limiter l’inflammation dans le cerveau en induisant la mort de cellules qui participe à la réponse immunitaire et favorise l’inflammation, les lymphocytes T. Le mécanisme mis en jeu pour contrôler ces astrocytes implique une molécule de signalisation appelée interféron-gamma. De façon remarquable, les chercheurs ont constaté que c’est le microbiote intestinal qui induit l’expression de cette molécule dans des cellules des méninges. Celles-ci envoient alors un message aux astrocytes exprimant LAMP1 et TRAIL afin d’activer leur activité anti-inflammatoire.

 

  • Vers un développement de nouvelles thérapies contre les maladies neuro-inflammatoires

La découverte d’un nouveau mécanisme par lequel l’intestin régule l’inflammation du cerveau est une avancée importante dans la compréhension de la neuro-inflammation. La mise en évidence d’une sous-catégorie d’astrocytes aux fonctions anti-inflammatoires contrôlées par le microbiote intestinal ouvre la voie vers le développement de nouvelles approches thérapeutiques pour lutter contre les pathologies du cerveau, et notamment les maladies neuro-inflammatoires comme la sclérose en plaques. Des probiotiques pouvant permettre de réguler l’activité anti-inflammatoire de ces astrocytes sont par exemple en cours d’exploration. D’autres données récentes de l’équipe de recherche indiquent que certaines tumeurs cérébrales exploiteraient aussi cette voie pour échapper à la réponse immunitaire du corps. Les applications de ces recherches pourraient donc être utiles à de nombreuses pathologies du cerveau.

 

  • Une nouvelle piste de recherche pour les troubles psychiatriques

Une nouvelle étude britannique, publiée au mois de septembre 2021 dans la revue JAMA Psychiatry, suggère qu’un certain nombre de troubles psychiatriques partagent des perturbations communes du microbiote intestinal.

Selon cette méta-analyse, qui regroupe les résultats de 59 études antérieures, a identifié des signatures microbiologiques communes à un certain nombre de troubles psychiatriques dont  la dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie et l’anxiété. Ces dernières seraient associées à des anomalies microbiennes intestinales similaires, notamment à des quantités plus élevées de bactéries pro-inflammatoires.

« Nos résultats démontrent que les changements dans la composition du microbiote sont répandus et, même si c’est probablement beaucoup plus compliqué que cela, nous voyons quelques indications sur la façon dont ils peuvent être liés à d’autres mécanismes sous-jacents connus des troubles mentaux, tels que la régulation des processus inflammatoires. Il est de plus en plus évident que la santé du microbiote intestinal est d’une importance vitale pour la santé mentale des individus », conclut Allan Young, qui a dirigé l’étude au sein du King’s College London.

A ce jour, aucun biomarqueur bactérien, pouvant être spécifiquement attribué à un trouble, n’a été identifié. Cependant, selon les chercheurs, ces résultats montrent clairement l’importance de prêter attention à la santé intestinale lors des futures études et développements thérapeutiques pour les troubles mentaux.

Sources :

La dépression, les troubles bipolaires et la schizophrénie partagent des similitudes au niveau des bactéries intestinales, The Conversation (2021)

Nikolova (2021), Perturbations in Gut Microbiota Composition in Psychiatric Disorders

 

  • Le lien qui connecterait le microbiote au système immunitaire 

Les chercheurs de l’équipe de l’Université de Bath ont identifié le lien potentiel entre le microbiote intestinal et le système immunitaire. Plus précisément, cette étude identifie deux classes de molécules microbiennes, spécifiquement produites par les bactéries du microbiome. Celles-ci influenceraient la production de la P-glycoprotéine  (P-gp). P-gp, avait déjà été identifié comme immunomodulateur lors de réponses neuro-inflammatoires*.

Or, ces 2 molécules microbiennes ne peuvent agir de concert pour stimuler la production P-gp que lorsqu’elles bénéficient des bonnes conditions pour prospérer. Un appauvrissement de la flore bactérienne entraînerait alors une expression réduite de la P-gp.

Cette nouvelle compréhension permet de mieux comprendre comment le microbiome peut affecter l’expression de la protéine immunomodulatrice P-gp. Elle éclaire sur l’importance du microbiome et de la façon dont il régule notre santé et peut interagir avec notre système immunitaire.

Les études à venir devront préciser le rôle de ces molécules et peut-être aider à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques de futurs traitements.

Sources :

Foley et al., (2021) – Gut microbiota regulation of P-glycoprotein in the intestinal epithelium in maintenance of homeostasis

Santé-log (2021), Microbiome intestinal : Comment il se connecte à notre système immunitaire

*Kooji et al., (2009) P-glycoprotein acts as an immunomodulator during neuroinflammation

 

 

Sources :

*Gut-licensed IFNγ+ NK cells drive LAMP1+TRAIL+ anti-inflammatory astrocytes. Sanmarco et al., Nature, 6 janvier 2021.

– Trustmyscience.com : Des cellules cérébrales luttent contre l’inflammation sur instructions du microbiote intestinal – 29 janvier 2021.

 

Rédaction : Céline Petitgas et Charlotte Piau, chargées des actions scientifiques de la FRC.

Le saviez-vous ?

L’intestin est considéré comme notre second cerveau. En effet, le système nerveux entérique (= relatif à l’intestin) serait constitué d’environ 500 millions de neurones distribués le long de notre tube digestif.

La neuroinflammation à l'origine de pathologies cérébrales

Si notre système immunitaire a pour rôle de nous protéger des multiples agressions extérieures ou internes à notre corps, il peut aussi arriver qu’il soit à l’origine d’une neuro-inflammation provoquant de sévères pathologies cérébrales. C’est d’ailleurs l’hypothèse retenue pour expliquer la survenue de troubles neuro-psychiatriques chez des patients atteints de Covid-19.

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Appels à Projets FRC : Le cerveau et l'environnement interne du corps

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