Le langage

Être doué de langage, c’est être à la fois capable de comprendre quelqu’un et de lui répondre. Autrement dit, la faculté du langage recouvre la compréhension et l’énonciation. Pour le langage parlé, il faut pouvoir d’une part passer du son au sens, et d’autre part, ensuite, des mots pensés aux mots prononcés, de la pensée à la voix. Ces processus dépendent évidemment d’un apprentissage, d’une société et d’une culture, mais ils ont aussi des sous-bassements cérébraux.

 

L’aire de Broca : source de la production de la parole

En 1861, le chirurgien français Paul Broca (1824 – 1880) ouvre la tête d’un de ses patients, qui vient de mourir. De son vivant, celui-ci était atteint de troubles du langage : bien que comprenant parfaitement ce qu’on lui disait, il ne pouvait répondre que par une seule et même syllabe, « tan », et cela alors même qu’il n’était affecté d’aucun trouble moteur de la langue ou de la bouche qui aurait pu entraver ses capacités d’élocution. Comment expliquer cette aphasie ? En examinant son cerveau, Broca découvre une lésion localisée au niveau de la troisième circonvolution cérébrale gauche. Il en déduit que cette zone joue un rôle précis dans la formation du langage parlé, allant jusqu’à affirmer que « nous parlons avec l’hémisphère gauche ». L’aire de Broca fut la première région du cerveau à laquelle la science put associer une fonction cognitive.

Cette découverte marque le début de l’identification d’aires du cerveau liées à différentes facettes du langage humain. Les patients souffrant d’aphasie ont permis aux anatomistes puis aux neuropsychologues de préciser leur connaissance des supports cérébraux du langage, l’étude de différents cas permettant de cerner différentes « zones » cérébrales douées de fonctions spécifiques.

L’aire de Wernicke : source de la compréhension du langage

Quelque dix ans après Broca, un psychiatre allemand du nom de Carl Wernicke (1848 – 1905) mit en évidence un autre type d’aphasie associé à des lésions situées dans d’autres régions du cerveau, dans la partie postérieure du lobe temporal gauche. Alors que le patient de Broca comprenait ce qu’on lui disait tout en ayant des difficultés à parler, le patient de Wernicke avait un débit verbal en apparence normal mais de grandes difficultés à comprendre ce qui était dit, avec une tendance à tenir des discours incohérents ou dénués de sens. On en conclut que les processus de la compréhension du langage et ceux de la production de la parole ne mettaient pas en jeu les mêmes aires du cerveau. Il n’y avait donc pas un seul siège du langage, mais plusieurs centres coordonnés, aux fonctions différentes.

 

langage

 

Deux aires qui communiquent

Les troubles identifiés par Broca correspondaient en réalité à une aphasie motrice ou expressive, alors que ceux étudiés par Wernicke relevaient d’une aphasie réceptrice ou sensitive. On s’accorde pour dire que l’aire de Broca, située à l’arrière du lobe frontal, près de la partie du cerveau qui commande les mouvements de la langue et de la mâchoire, est en charge de la production et l’articulation des mots (composante « motrice » du langage), tandis que l’aire de Wernicke intervient dans la perception des mots et des symboles du langage ou dans le traitement des paroles entendues. Ces deux régions, reliées entre elles par faisceau de fibres nerveuses – le « faisceau arqué » – forment un circuit essentiel pour la compréhension du langage et la production de la parole.

Dans les années 60, le neurologue Norman Geschwind a proposé un modèle pour rendre compte de l’organisation des fonctions du langage dans le cerveau : toutes les régions concernées seraient en charge d’un « module » particulier (par exemple la compréhension, ou la production d’énoncés articulés) et chacune serait connectée aux autres selon des circuits bien précis. Par exemple, dans le cas de la compréhension du langage parlé, le son est d’abord reçu sous forme de signaux nerveux par le cortex auditif primaire, les données étant ensuite transmises à l’aire de Wernicke toute proche, qui identifierait le signal sonore en rapportant l’image auditive au mot correspondant, effectuant ainsi une tâche de reconnaissance vocale. Dans ce modèle dit « connexionniste » la faculté de langage consiste en une série de modules fonctionnels correspondant à des aires cérébrales distinctes.

Le cerveau étant divisé en deux hémisphères pratiquement symétriques, chaque partie se retrouve en double exemplaire, à droite et à gauche. On sait que l’on peut être droitier ou gaucher pour l’écriture ou le pied d’appel. On sait moins que cela vaut aussi pour la localisation des fonctions du langage. En effet, bien que celles-ci soient de façon prédominante situées dans l’hémisphère gauche (à près de 95 pourcent), il existe quelques exceptions dans ce qu’on appelle la « latéralisation cérébrale » des régions du langage.

 


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Credit photo : akk_rus via Visual hunt / CC BY

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Neurones du ganglion cochléaire qui relaient les informations auditives.

Inserm / C.J. Dechesne et Caussidier

« On s’accorde pour dire que l’aire de Broca est en charge de la production et l’articulation des mots, tandis que l’aire de Wernicke intervient dans la perception des mots et des symboles du langage ou dans le traitement des paroles entendues. »

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