Le neurofeedback, une technique innovante de rééducation après un AVC
Récupérer plus rapidement la motricité d’un membre après un accident vasculaire cérébral, voilà l’objectif que se sont donnés des chercheurs de l’Université de Rennes. Une première étude pilote, réalisée chez quatre patients présentant une paralysie partielle d’un membre supérieur, apporte une piste prometteuse par des entraînements de « neurofeedback ».
-
L’accident vasculaire cérébral
Première cause de handicap acquis de l’adulte et deuxième cause de démence, l’accident vasculaire cérébral (AVC) est engendré par une occlusion ou une rupture d’un vaisseau sanguin dans le cerveau. En France, 140 000 nouveaux cas d’AVC sont dénombrés par an, soit un toutes les quatre minutes1. 20% des personnes décèderont dans l’année suivant l’AVC. Parmi celles qui en échapperont, 40% environ garderont tout de même d’importantes séquelles : paralysie d’un ou plusieurs membres ou du visage (hémiplégie), troubles du langage oral et écrit (aphasie), troubles de l’équilibre et de la coordination, troubles cognitifs… La majorité des patients récupère leur capacité à marcher, mais le contrôle de la motricité du bras ou de la main reste souvent altéré. Outre le développement de médicaments et de thérapies cellulaires, de nouvelles méthodes de rééducation par des interfaces cerveau-machine voient le jour pour aider à restaurer une communication entre le cerveau et ses membres.
-
Qu’est-ce que le neurofeedback ?
Grâce à l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) et à l’électroencéphalographie (EEG), il est possible de visualiser l’activité cérébrale d’un individu en temps réel. A la suite d’un AVC, les médecins peuvent ainsi observer directement les zones du cerveau affectées, autrement dit celles qui ne répondent plus par exemple lorsque la personne essaye d’effectuer un mouvement de sa main. Ces techniques permettent également de suivre les progrès de la récupération motrice du patient lors d’une rééducation. Ainsi, certaines zones cérébrales peuvent de nouveau s’activer au fur et à mesure des séances d’entraînement, qui consistent à mobiliser les membres paralysés en manipulant différents objets. C’est le phénomène de plasticité cérébrale, qui peut permettre aux zones non atteintes du cerveau de suppléer aux fonctions perdues des régions affectées. Plus étonnant encore, les scientifiques ont découvert que la plasticité cérébrale peut également intervenir par le simple fait d’imaginer le mouvement en question.
Le neurofeedback utilise cette technique d’imagerie mentale de façon plus poussée. En effet, le neurofeedback consiste à montrer au sujet ce qu’il se passe dans son cerveau en temps réel, ce qui lui permet alors d’apprendre, à force d’entraînement, à stimuler les zones de son cerveau les plus favorables à sa récupération. Concrètement, l’activité cérébrale du patient est enregistrée par IRMf et/ou EEG, et, grâce à une interface cerveau-machine, une information sensorielle (visuelle, auditive) qui traduit l’activité mesurée lui est transmise par ordinateur. Le patient doit alors adapter son comportement en fonction de l’information perçue. La technique du neurofeedback apporte ainsi une nouvelle forme de rééducation qui pourrait s’avérer plus efficace qu’une rééducation classique dont le succès après un AVC est limité.
-
Une meilleure récupération de la motricité des membres paralysés
A ce jour, peu d’études ont exploré le potentiel du neurofeedback dans l’amélioration des performances motrices après un AVC, comme alternative ou en complément des thérapies traditionnelles. Des chercheurs de l’Université de Rennes, du service Médecine Physique et Réadaptation et du service de Radiologie du CHU de Rennes se sont intéressés à cette problématique2. Ils ont réalisé une première étude exploratoire visant à étudier la faisabilité et l’efficacité de l’entraînement par neurofeedback chez quatre patients présentant divers degrés de déficience motrice d’un membre supérieur à la suite d’un AVC. Ces personnes ont suivi un protocole d’entraînement intensif, pendant lequel l’activité de deux zones distinctes du cerveau impliquées dans le contrôle moteur était enregistrée, soit par IRMf et EEG, soit par EEG seul. Le retour d’information de cette activité était visuel et consistait en une balle jaune se déplaçant dans une jauge proportionnellement aux informations recueillies par l’EEG et l’IRMf.
Les premiers résultats sur la faisabilité de cette technique sont encourageants : lorsque l’activité des neurones reprend dans les zones clés de récupération motrice, le cerveau perçoit une « récompense » par une augmentation de la jauge. Il comprend qu’il est sur la bonne voie et continue l’exercice de la même façon. A l’inverse, lorsque la jauge diminue, le patient parvient à auto-réguler son activité cérébrale pour corriger le tir. Les stratégies employées par les patients pour contrôler le mouvement de la balle ont toutes été d’utiliser l’imagerie motrice du membre affecté. Certains évoquaient des tâches simples et répétitives (image mentale d’ouverture et fermeture de la main, tenir quelque chose avec la main), d’autres se sont engagés dans l’imagerie de tâches plus complexes (peignage imaginaire des cheveux, repassage). De façon intéressante, les auteurs de l’étude ont observé que les stratégies plus élaborées étaient aussi les plus efficaces pour moduler l’activité cérébrale.
Du côté de l’efficacité fonctionnelle, des améliorations motrices ont été obtenues chez deux patients sur les quatre testés. Ceci soutient l’hypothèse que le neurofeedback peut déclencher une réorganisation fonctionnelle des régions motrices affectées, en exploitant la plasticité cérébrale. Les chercheurs vont ainsi pouvoir affiner le type de patients pouvant s’attendre à des résultats positifs. Ils souhaitent par la suite mettre en place une étude randomisée afin de comparer ces résultats à ceux d’une rééducation traditionnelle.
—
Sources :
1Site internet de l’Inserm – Dossier d’information “Accident vasculaire cérébral (AVC)”
2A multi-target motor imagery training using bimodal EEG-fMRI neurofeedback: a pilot study in chronic stroke patients. Lioi et al., Frontiers in Human Neuroscience, Février 2020.
Rédaction : Céline Petitgas, chargée des actions scientifiques de la FRC.
> Découvrez le projet de Jérémie Mattout, lauréat FRC 2018
Ce projet consiste à évaluer le potentiel thérapeutique du neurofeedback dans les troubles de l’attention chez l’enfant.