Une carence maternelle en oméga-3 altère le développement du cerveau de la descendance
L’apport alimentaire d’acides gras oméga-3 est essentiel à la maturation du cerveau. Il semble qu’un apport insuffisant d’oméga-3 pendant la gestation et la lactation provoquerait des déficits de mémoire chez la progéniture en altérant le développement cérébral par des mécanismes bien précis. C’est ce qu’ont décrypté pour la première fois des scientifiques de l’Université de Bordeaux et de l’INRAE, en collaboration avec l’INSERM et d’autres universités internationales. Leurs travaux, résultat de longues années de recherche, ont été récemment publiés dans la prestigieuse revue Nature Communications.
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Carence maternelle en oméga-3 et neurodéveloppement
L’occidentalisation des habitudes alimentaires dans les pays développés et en développement s’accompagne d’une réduction progressive de l’apport alimentaire en acides gras oméga-3. Ainsi dans la population générale, de nombreuses femmes enceintes présentent une carence en oméga-3. Ces acides gras essentiels sont massivement incorporés dans le cerveau de la progéniture via l’alimentation maternelle durant la gestation et la lactation. Des études indiquent qu’une consommation maternelle insuffisante en oméga-3 serait liée à l’apparition de maladies neurodéveloppementales chez l’enfant, entraînant des déficits cognitifs (langage, mémoire, apprentissage…). Cependant, les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués restent à ce jour mal compris.
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Rôle des cellules microgliales dans le développement du cerveau
Les chercheurs se sont ici intéressés à comprendre comment un apport insuffisant en oméga-3 chez la mère pouvait altérer le développement des réseaux neuronaux de la progéniture, provoquant alors des déficits de mémoire. Ils ont concentré leurs travaux sur un type particulier de cellules présentes dans le cerveau, les cellules microgliales (ou microglies). Considérées comme les cellules immunitaires du cerveau, elles ont une fonction cruciale dans sa défense contre tout pathogène nuisible. Mais d’autres travaux de recherche ont montré qu’elles jouent également un rôle important dans le développement normal du système nerveux central. Ainsi, au cours du développement, les microglies régulent l’activité des synapses, ces zones de communication entre les neurones, tout en éliminant les synapses inutiles pour ne garder que celles essentielles au bon fonctionnement du cerveau. Elles permettent ainsi de « sculpter » les réseaux neuronaux, et notamment ceux soutenant les capacités de mémoire.
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L’activité microgliale est impactée par une carence en oméga-3
En utilisant un modèle murin, les scientifiques ont cherché à déterminer si le statut maternel en oméga-3, et donc celui de la progéniture, pouvait exercer un effet sur l’activité de ces cellules microgliales. Ils ont alors pu observer qu’une carence en oméga-3 via l’alimentation maternelle affecte l’activité des microglies lors du développement de l’hippocampe, une structure cérébrale particulièrement importante pour la mémoire. En effet, les microglies adoptent un fonctionnement anormal et deviennent hyperphagiques, c’est-à-dire qu’elles perdent leur capacité à reconnaître les synapses devant être supprimées et en élimine un trop grand nombre d’entre elles. Ceci modifie la morphologie des neurones et résulte en un réseau cérébral malformé, ce qui affecte les performances cognitives de la progéniture. Les chercheurs ont également pu déchiffrer les mécanismes moléculaires responsables de cette activité microgliale anormale.
Ces résultats fournissent une première explication mécanistique des troubles neurodéveloppementaux engendrés par une carence alimentaire en oméga-3 maternels. Des stratégies alimentaires spécifiques enrichies en oméga-3 durant la gestation et la lactation pourraient donc permettre d’améliorer la fonction microgliale pour prévenir le développement de problèmes cognitifs chez la descendance.
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Sources :
– Essential omega-3 fatty acids tune microglial phagocytosis of synaptic elements in the mouse developing brain. Madore et al., Nature Communications, 2020.
– Links between nutrition and the brain: how a maternal omega-3 deficiency can influence the behavioural development of offspring in animals. Article de presse Inserm, 30 novembre 2020.
Rédaction : Céline Petitgas, chargée des actions scientifiques de la FRC.
Ensemble pour faire avancer la recherche
Ces travaux ont été en partie soutenus par la Fondation Paralysie Cérébrale, Fondation membre de la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau. Un important projet de recherche faisant suite à cette étude est actuellement coordonné par le Dr. Sophie Layé, co-auteur correspondant de cet article scientifique et directrice du Laboratoire NutriNeuro de Bordeaux. Ce nouveau projet, co-financé par la Fondation Carrefour, a été lauréat de l’Appels à Projets lancé par la FRC en 2019 sur la thématique du cerveau agressé par son environnement.
Les acides gras oméga 3
Les acides gras oméga-3 sont une famille d’acides gras indispensables au bon fonctionnement et développement de notre cerveau. Le corps humain ne sachant pas en produire par lui-même, il est essentiel de s’en procurer par l’alimentation. Les aliments les plus riches en oméga-3 sont les poissons gras (saumon, thon, maquereau, hareng, sardine…) et certains végétaux terrestres (noix, huile de colza, de soja, de lin, graines de chia…). Les produits issus d’animaux terrestres (viandes, œufs, produits laitiers…) ont des teneurs plus basses mais contribuent toutefois à une majorité des apports car ils sont consommés en grande quantité.