Comment les neurones choisissent de conserver certaines connexions face à d’autres au cours de la vie ?

Mis à jour le 03/03/2025

Porteur du projet : Mathieu LETELLIER – Institut Interdisciplinaire de Neurosciences (Bordeaux)

Titre du projet : Rôle des protéines d’adhérence dans la stabilisation du circuit olivo-cérébelleux

Montant :  80 000 €

 

« Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à la Fondation pour la Recherche sur le Cerveau pour le soutien financier accordé à mes travaux de recherche. Ce financement constitue une aide précieuse qui me permettra d’approfondir mes investigations sur les mécanismes de formation et de plasticité des circuits neuronaux. Votre engagement envers la recherche scientifique est une source d’inspiration et un moteur pour les chercheurs. Grâce à votre soutien, nous pouvons continuer à explorer des pistes innovantes qui, je l’espère, contribueront à des avancées significatives dans le domaine des neurosciences et de la santé cérébrale. Encore une fois, merci pour votre confiance et pour l’opportunité de mener à bien ces travaux ambitieux » – Mathieu Letellier

 

Descriptif du projet

Il existe, pendant le développement, des fenêtres temporelles de plasticité, appelées périodes critiques, au cours desquelles le cerveau est particulièrement malléable à l’apprentissage et aux effets de l’environnement. Pendant ces phases développementales, certaines connexions neuronales (aussi appelées synapses) sont renforcées et stabilisées alors que d’autres s’affaiblissent progressivement et finissent par disparaître, ne laissant que les circuits les plus utiles et les plus adaptés. Cet élagage synaptique qui peut s’étendre jusqu’à la puberté chez l’être humain, intervient après une phase intense de formation de synapses et permet l’acquisition de comportements adaptés et reproductibles, qui structurent durablement notre identité. Un élagage trop important ou au contraire une incapacité à sélectionner des connexions spécifiques conduit à la formation de circuits inadaptés et, in fine, au développement de troubles neuropsychiatriques tels que l’autisme ou la schizophrénie. Pourtant, les mécanismes moléculaires utilisés par les neurones pour discriminer, choisir et maintenir des connexions spécifiques tout au long de la vie restent inconnus. En particulier, la façon dont l’interaction avec notre environnement influence l’expression des gènes dans chacun de nos neurones demeure inexplorée.

 

Pour aborder cette question, l’équipe va étudier le rôle des molécules d’adhérence cellulaire (qui permettent d’établir la liaison entre deux cellules) dans la stabilisation du circuit olivo-cérébelleux qui est impliqué dans l’apprentissage moteur et la coordination motrice et dont l’organisation est extrêmement bien caractérisée. Les chercheurs ont précédemment montré chez le rongeur que la sélection de connexions spécifiques dans ce circuit pendant une période critique développementale laisse une empreinte épigénétique correspondant à des modifications chimiques de l’ADN qui régulent l’expressions des gènes. Cette empreinte épigénétique stabilise les circuits sélectionnés et empêche la reformation de connexions non spécifiques après la fin de la période critique, c’est-à-dire chez l’adulte. L’équipe testera l’hypothèse que les circuits sélectionnés sont contrôlés par des molécules d’adhérence qui pourraient non seulement stabiliser physiquement les connexions sélectionnées mais également agir comme signaux de reconnaissance entre partenaires compatibles, à l’image d’un système ‘clé-serrure’.

 

Grâce au financement de la FRC, les chercheurs vont pouvoir mettre en œuvre une approche innovante appelée « patch-seq » qui permet d’explorer l’identité moléculaire de neurones individuels notamment, tout en établissant des liens de corrélation avec leur connectivité et leur niveau d’activité. Les chercheurs compléteront cette approche par de la microscopie haute résolution sur tissu vivant et des manipulations optogénétique  (une technique de contrôle des neurones par la lumière) pour étudier la relation entre le processus de sélection synaptique et les molécules d’adhérence cellulaire. L’équipe de Mathieu Letellier espère ainsi mieux comprendre comment les interactions gène-environnement sculptent les circuits synaptiques et espère apporter de nouvelles pistes dans la compréhension de l’origine des maladies neuro-développementales.

 

Premiers résultats

Le développement du cerveau comporte des périodes critiques de plasticité où les circuits neuronaux sont sculptés par des signaux environnementaux, stabilisant les connexions les plus actives. L’objectif du projet est de comprendre quels sont les mécanismes permettant aux neurones de choisir et stabiliser des connexions spécifiques. Dans ce projet, les chercheurs ont étudié la formation et la sélection des connexions du circuit olivo-cérébelleux qui est impliqué dans l’apprentissage moteur et la coordination motrice.

Les premiers résultats de ce projet montrent que les molécules d’adhésion cellulaire (qui permettent d’établir la liaison entre deux cellules) appelées « protocadhérines gamma », jouent un rôle crucial dans la manière dont les neurones établissent et stabilisent leurs connexions pendant le développement. Ces protéines agissent comme des étiquettes moléculaires, permettant aux neurones de reconnaître et de maintenir les bonnes connexions entre eux.

Plus précisément, le projet a révélé que, pendant le développement, la diversité de ces protéines dans certaines cellules du cervelet, appelées cellules de Purkinje, diminue à mesure que les connexions entre les neurones sont « sélectionnées » et stabilisées. Ce processus dépend de l’interaction entre des neurones spécifiques et ne se fait pas de manière automatique. En outre, si certaines de ces protéines sont exprimées en plus grande quantité, le processus de sélection des connexions synaptiques se déroule plus rapidement.

 

Publications et communication

Un article présentant les résultats est en préparation. En outre, les résultats ont été communiqués à l’IBRO World Congress of Neuroscience (Grenade, 2022), au congrès de la FENS (Vienne, 2024), ainsi qu’à des journées thématiques nationales (journée du club « développement des réseaux neuronaux » en 2023 ; symposium « Bordeaux Cell Biology Gathering » ; symposium « synapse day »).

 

Prochaines étapes

Les expériences en cours cherchent à tester deux choses importantes. D’abord, les chercheurs veulent savoir si l’augmentation de certaines protéines protocadhérines dans un circuit neuronal déjà formé peut déstabiliser les connexions qui ont déjà été établies entre les neurones. Ensuite, ils examinent ce qui se passe si l’on supprime génétiquement ces protéines pendant le développement du cerveau. Ces recherches se font en collaboration avec Julie Lefebvre.

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Équipes impliquées

 

L’équipe de Mathieu Letellier travaillera en collaboration avec les Dr. M. Nikolski  et A. Groppi du Centre de Bioinformatique de Bordeaux afin d’analyser rapidement les nombreuses données qui seront générées par les expériences de patch-seq.

 

 

Photographies : Inserm, Matthieu Letellier

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Le chercheur

Mathieu Letellier est chargé de recherche au CNRS et travaille dans l’équipe ‘molécules d’adhérence cellulaire dans l’assemblage synaptique’ au sein de l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences (IINS) de l’université de Bordeaux. Ses travaux visent à comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires qui contrôlent l’assemblage et la plasticité des connexions neuronales dans le cerveau, en utilisant des approches d’électrophysiologie, d’imagerie cellulaire et de manipulation de gènes sur des cellules individuelles. Ces dernières années, ses travaux ont permis de mettre en lumière le rôle de protéines d’adhérence et de l’activité neuronale dans la différentiation fonctionnelle et moléculaire des synapses ainsi que dans les mécanismes de plasticité et d’homéostasie des circuits neuronaux.

Cellule de Purkinje

Légende :

Image prise au microscope confocal d’une cellule de Purkinje remplie avec de la biocytine et marquée avec de la streptavidine fluorescente. Les différentes couleurs renseignent sur la position en profondeur dans l’échantillon.

 

Les cellules de Purkinje sont des cellules centrales dans les circuits du cervelet. Elles contrôlent et coordonnent efficacement les mouvements moteurs du corps grâce à leurs actions inhibitrices.

Le centre de recherche

Ce projet est issu d’une équipe de l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences du Neurocampus de Bordeaux.

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