Comprendre les dysfonctionnements neuronaux à l’origine de l’autisme
Mise à jour de la page : le 30/10/20
Porteur de projet : Dr Antoine De Chevigny – Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, Marseille
Titre du projet : « Rôle du facteur de transcription NeuroD2 dans l’intégration et la survie des neurones du néocortex »
Subvention attribuée par la FRC en 2017 : 50 000 €
Description du projet
Le cerveau antérieur est l’aire cérébrale supportant les fonctions biologiques les plus complexes. Des altérations de son développement entraînent des maladies psychiatriques comme l’autisme. Cette maladie est généralement associée à une formation excessive des synapses (connexions entre les neurones) et à des troubles du comportement : déficits d’interaction sociale, comportements répétitifs et troubles du langage.
Pour élucider les dysfonctionnements à l’origine de l’autisme, l’équipe du Dr Antoine De Chevigny étudie le développement des synapses dans le cerveau antérieur. Ainsi, cette équipe est parvenue à identifier le gène NeuroD2 comme régulateur majeur de la formation synaptique dans deux aires du cerveau antérieur : le bulbe olfactif et le cortex. L’absence du gène NeuroD2 dans le cortex provoque la formation de synapses aberrantes suivie d’une dégénérescence des neurones, ainsi que l’altération du comportement social des modèles étudiés. Ces données indiquent que le gène NeuroD2 pourrait jouer un rôle dans le développement des troubles du spectre autistique.
Le financement attribué par la FRC permettra à ces chercheurs de déterminer le rôle précis du gène NeuroD2 dans la formation synaptique et la survie des neurones corticaux, en utilisant des modèles génétiquement modifiés récemment générés dans le laboratoire et l’imagerie en temps réel. En parallèle, des cas neuropsychiatriques chez l’homme avec présence de mutations pathogènes dans le gène NeuroD2 seront recherchés. Cette étude permettra de mieux comprendre les bases sous-jacentes au développement de l’autisme.
Les résultats
Après deux ans de travail sur ce projet, les chercheurs ont avancé dans la compréhension des dysfonctionnements neuronaux à l’origine de l’autisme. Ils ont pu montrer que la perturbation du gène NeuroD2 provoque un syndrome d’autisme via des défauts cellulaires dans les neurones de projection corticaux :
1/ Désorganisation des couches corticales en absence de NeuroD2
Pour obtenir une idée des mécanismes physiopathologiques, les chercheurs ont analysé le développement cortical chez des modèles murins dont le gène NeuroD2 a été supprimé. Ils ont ainsi observé que les neurones de projection corticaux migrent trop superficiellement pendant l’embryogenèse, induisant une épaisseur et un positionnement anormaux des couches corticales. Ces résultats montrent que NeuroD2 contrôlerait de façon précise le positionnement de ces neurones en limitant leur migration pendant la corticogenèse (mise en place des différentes couches du cortex).
2/ Altérations géniques des différentes populations corticales
En absence du gène NeuroD2, les chercheurs ont mis en évidence que 264 gènes étaient différentiellement exprimés dans les cortex moteur et somatosensoriel. Une étude plus approfondie a montré que la famille la plus représentée dans ces gènes est celle des canaux sodiques voltage-dépendants (notamment impliqués dans l’excitabilité des neurones), et que cette famille de gènes est également fortement associée aux troubles du spectre autistique chez l’Homme.
3/ Découverte de mutations dans NeuroD2 engendrant un syndrome autistique avec déficience intellectuelle.
Sept familles associant des mutations pathogènes dans le gène NeuroD2 à des troubles du spectre autistique avec déficience intellectuelle ont pu être identifiées depuis le début du projet fin 2018. Pour 6 des 7 familles, la mutation était de novo chez le patient (c’est-à-dire qu’elle est apparue alors qu’aucun des parents ne la possède dans son patrimoine génétique). Pour la 7ème famille, la mutation a été transmise du père malade à ses enfants malades, mais pas au seul enfant sein. Ces résultats suggèrent donc fortement un lien de causalité entre mutations du gène NeuroD2 et troubles du spectre autistique avec déficience intellectuelle.
Tous ces résultats démontrent un rôle crucial pour NeuroD2 dans le développement cortical, dont les altérations expliquent probablement les troubles du spectre autistique et les symptômes associés dans le syndrome de mutation NeuroD2 nouvellement défini par ce projet.
Publications
Ces résultats ont donné lieu à l’écriture d’un article scientifique déposé sur la plateforme d’archives de préprints BioRxiv* où il est disponible gratuitement dans sa version intégrale :
L’article est en parallèle en cours de soumission dans une revue scientifique à haut facteur d’impact, Sciences Advances.
*BioRxiv (« Bio-archives ») permet de déposer des versions préliminaires d’articles de recherche (appelées préprints), qui peuvent en parallèle être soumises à des revues scientifiques pour évaluation et publication. Le processus de publication dans les revues traditionnelles pouvant être très long, cette plateforme permet de diffuser des résultats scientifiques en accès libre et gratuit vers le monde entier tout en établissant l’antériorité des découvertes.
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Portrait d’Antoine De Chevigny
Après un post-doctorat à Harvard Medical School, Antoine de Chevigny a rejoint un groupe de recherche de l’Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM). Aujourd’hui il est chargé de recherche au sein de l’Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED) à Marseille. Il étudie les malformations du développement cortical qui sont des causes majeures de retard mental.
Le centre de recherche
L’Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED) est un centre de recherche mixte de l’Inserm et de l’Université d’Aix-Marseille. L’objectif principal des équipes de recherche de l’INMED est d’étudier le développement et la plasticité des réseaux neuronaux ainsi que les pathologies du développement cérébral qui peuvent perturber entre autres l’acquisition du langage, la cognition ou la motricité et qui peuvent conduire au développement d’une condition épileptique plus ou moins sévère. Les recherches à l’INMED sont développées par des chercheurs et enseignants chercheurs d’origine internationale, groupés en 12 équipes de recherche labellisées et 4 équipes émergentes.
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