Impact d’un parasite alimentaire sur le fonctionnement du cerveau
Mis à jour le 4/11/2024
Porteur du projet : Nicolas BLANCHARD – Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et Inflammatoires (Infinity)
Titre du projet : Lymphocytes T résidents mémoires intra-cérébraux au cours de l’infection chronique par Toxoplasma gondii : fonctions et impact sur le fonctionnement cérébral
Le projet est soutenu par la Fondation ARSEP et l’expertise scientifique assurée par le Conseil Scientifique de la FRC.
Montant : 80 000 €
« Nous pensons que la conjugaison de notre expertise avec celles de nos collaborateur.rice.s sur la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer et de la sclérose en plaques, pourra apporter de nouveaux éclairages sur les conséquences des infections chroniques du cerveau ou sur la survenue et la progression de ces maladies neurodégénératives. Nous espérons ainsi mieux comprendre l’influence d’infections antérieures du cerveau sur le développement de ces deux maladies. A terme, cela pourrait permettre d’optimiser le dépistage de ces pathologies, par la découverte de nouveaux biomarqueurs, notamment au niveau des lymphocytes impliqués dans la réponse à ces infections, et éventuellement d’adapter les traitements » – Nicolas Blanchard
Descriptif du projet
En induisant des réponses inflammatoires dans le système nerveux central, les agents pathogènes du cerveau peuvent perturber les processus neurobiologiques. Le parasite T. gondii est connu pour être l’agent pathogène de la toxoplasmose. Il infecte l’homme par la consommation le plus souvent de viande contaminée insuffisamment cuite. Actuellement, on pense qu’environ 30% des sujets (et jusqu’à 50% en France) sont infectés de manière permanente. Les conséquences de ces infections sur le fonctionnement cérébral en conditions normales ou pathologiques restent toutefois mal comprises. Habituellement, une infection du cerveau entraîne la formation de lymphocytes T CD8 mémoires (ou Trm), une catégorie de globules blancs permettant une meilleure protection contre de nouvelles infections. Or, des Trm spécifiques de pathogènes ont été à l’inverse impliqués dans des maladies neuroinflammatoires et/ou neurodégénératives, telles que la sclérose en plaques et la maladie d’Alzheimer. Cependant, les liens entre Trm spécifiques de pathogènes et dysfonction cérébrale restent à ce jour mal définis.
Ce projet vise ainsi à analyser comment T. gondii perturbe les fonctions cérébrales et modifie l’évolution des maladies neuroinflammatoires et ou/neurodégénératives, et à définir le rôle des Trm dans ces modifications. Des modèles murins de maladie d’Alzheimer et de sclérose en plaques seront utilisés afin d’évaluer les effets d’une infection chronique par T. gondii sur les fonctions cognitives, notamment sur l’anxiété, la locomotion, la mémoire spatiale et la peur innée. Grâce à des approches de transcriptomique sur cellule unique et à un second modèle de souris déplétées de leur Trm, les chercheurs étudieront également les liens entre Trm induits par une infection à T. gondii et pathologies neuro-inflammatoires et neurodégénératives.
Parmi les 2 milliards d’individus exposés à T. gondii, nombreux sont porteurs de kystes parasitaires ne pouvant être éliminés par traitement pharmacologique. La compréhension de l’impact des Trm sur le contrôle du parasite et les fonctions cérébrales devrait améliorer la prise en charge des personnes à risque de troubles cérébraux associés à cette infection.
Premiers résultats
Ce projet vise ainsi à analyser comment le parasite T. gondii perturbe les fonctions cérébrales et modifie l’évolution des maladies neuroinflammatoires et ou/neurodégénératives.
Les chercheurs ont montré le rôle protecteur de certaines cellules immunitaires présentes dans le cerveau, les lymphocytes T CD8+, dans le contrôle de T. gondii en phase chronique d’inflammation, et décrit quelques-uns des signaux qui controlent la génération de ces cellules dans le cerveau.
Ils ont également caractérisé l’impact de l’infection latente à T. gondii sur les déficits mnésiques liés à l’hippocampe, et établi l’importance de la cytokine IL-1 dans ces perturbations cognitives.
Enfin, les chercheurs ont démontré grâce à leurs modèles expérimentaux que l’infection latente à T. gondii accélère le déclin cognitif (mémoire) au cours de la maladie d’Alzheimer.
Publications
Ces résultats ont fait ou feront l’objet de publications, démontrant leur importance pour la communauté neuroscientifique :
- Porte R, Belloy M, Audibert A, et al. Protective function and differentiation cues of brain-resident CD8+ T cells during surveillance of latent Toxoplasma gondii infection. Proc Natl Acad Sci U S A. 2024;121(24):e2403054121.
Deux autres articles sont en cours de publication.
Ces résultats ont également fait l’objet de plusieurs communications / posters lors de congrès scientifiques nationaux ( congrès annuel de la SFI, Strasbourg) et internationaux (Congrès international sur T. gondii, USA; IBRO World Congress of Neuroscience, Espagne).
Prochaines étapes
Les prochaines étapes consistent à étudier les effets de l’infection parasitaire dans deux autres modèles expérimentaux, de la maladie d’Alzheimer et de la sclérose en plaques.
L’objectif à plus long terme sera de comprendre plus précisément quels gènes dans ces cellules lymphocytaires jouent un rôle dans les perturbations du fonctionnement cérébral, modulées par l’infection.
Ce projet collaboratif implique 2 équipes de l’Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et Inflammatoires, l’équipe du Dr. Blanchard qui s’intéresse à l’immunité lymphocytaire T au cours de la toxoplasmose et du paludisme et l’équipe du Dr. Gonzalez-Dunia, spécialisée dans la pathogenèse des infections virales du système nerveux central adulte et en développement.
La FRC et ses membres lancent chaque année leur Appel à Projets en recherche sur une thématique donnée en relation avec les pathologies neurologiques et psychiatriques.
C’est dans ce cadre que la Fondation ARSEP, membre fondateur de la FRC, s’est positionnée pour soutenir ce projet de recherche sélectionné par le Conseil Scientifique de la FRC, et en lien avec la sclérose en plaques.
Nicolas Blanchard est Directeur de Recherches à l’Inserm, responsable de l’équipe ‘Pathogènes Eucaryotes : Immunité, Inflammation et Chimiorésistance’, dont il est également directeur adjoint.
Ses recherches actuelles visent à mieux comprendre le développement des lymphocytes T mémoires qui se développent vis-à-vis de ce parasite dans le cerveau, et à étudier les éventuels effets ‘collatéraux’ de cette infection et des réponses immunes associées, sur le fonctionnement cérébral.
Le centre de recherche
Ce projet est issu d’une équipe de l’Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et Inflammatoires (Infinity).