Une plateforme pour la fabrication de dispositifs adaptés à l’étude de neurones cérébraux
Mise à jour de la page: le 20/01/2021
Laurent BOURDIEU – Institut de Biologie de l’École Normale Supérieure (IBENS – Paris)
Titre du projet : « Plateforme opto-mécanique de précision pour les neurosciences intégratives »
Equipement financé grâce à l’opération Rotary-Espoir en Tête 2018 et sélectionné par le Conseil Scientifique de la FRC : une plateforme de prototypage pour un montant de 96 000 €
Description du projet
Les neurosciences sont l’une des disciplines de la biologie pour lesquelles l’évolution des techniques d’expérimentation est la plus rapide. Les nouvelles méthodes expérimentales nécessitent une miniaturisation poussée des dispositifs d’enregistrement ou de modulation de l’activité des neurones cérébraux. Ces dispositifs sont conçus et optimisés pour répondre aux contraintes propres à un type particulier d’expérimentation. Ils doivent donc être fabriqués sur mesure, le plus souvent en un petit nombre d’exemplaires. L’installation à l’Institut de Biologie de l’Ecole Normale Supérieure (IBENS, Paris) d’un poste complet de prototypage permettra aux équipes locales de concevoir et de fabriquer de tels dispositifs expérimentaux personnalisés et hautement miniaturisés. Il s’agira en particulier de pièces mécaniques ultra-précises pour l’implantation de fibroscopes miniaturisés implantés chez des souris.
De fait, la neurophysiologie intégrative moderne repose sur la capacité d’enregistrer et de contrôler l’activité de populations neuronales parfaitement identifiées chez des animaux présentant des symptômes modèles de pathologies neurologiques ou psychiatriques humaines. Les techniques d’enregistrement et de contrôle de l’activité neuronale dans diverses structures cérébrales peuvent maintenant être mises en oeuvre en même temps que d’autres types de mesures pertinentes chez le même animal. L’installation du poste de prototypage permettra aux ingénieurs de l’IBENS de fabriquer des microdispositifs pour la réalisation de plusieurs projets de recherche préclinique (chez la souris, le poisson zèbre, etc) résolument ouverts sur la clinique humaine. Par exemple :
- Equipe Bourdieu : Des fibroscopes miniaturisés seront développés et utilisés pour étudier le rôle des réseaux hippocampo-corticaux dans les processus mnésiques (mémoire).
- Equipe Léna / Popa : Des micro-dispositifs adaptés seront utilisés pour analyser le rôle du cervelet dans la programmation et l’exécution d’actions motrices volontaires. Ces études seront conduites dans des situations physiologiques normales ou pathologiques (dystonie, dyskinésie dans le contexte de la maladie de Parkinson).
- Équipe Paoletti : Des fibres optiques seront affinées pour le suivi optique, électrique et chimique simultané de l’implication des récepteurs GluN2B-NMDA dans la mémoire, la mort neuronale, voire l’évaluation de leur potentiel thérapeutique dans des maladies comme la schizophrénie.
D’autres équipes de l’IBENS envisagent d’ores et déjà de solliciter également la plateforme de micromécanique pour des études neurophysiologiques ciblées sur l’apprentissage moteur, la rééducation motrice et la plasticité synaptique.
La plateforme de prototypage
L’ensemble des équipements constituant la plateforme a été mis en service entre mars et novembre 2019. Ce financement a permis la création d’un « Fablab » (laboratoire de fabrication) dans lequel sont produits des pièces mécaniques ultra-précises et des fibres optiques équipées de connecteurs, inclus dans des dispositifs miniaturisés pour être implantés sur des modèles murins.
Ce Fablab est ainsi impliqué dans de nombreux projets. A titre d’exemple, il a permis :
- le développement d’implants 3D pour maintenir immobile la tête des animaux pour des expériences têtes fixées.
- la réalisation de circuits imprimés miniatures pour la mesure des mouvements de la tête de modèles murins dans le cadre de l’étude du système vestibulaire et de ses dysfonctionnements.
- la fabrication d’implants à fibre optique pour l’étude de voies de projections neuronales entre le cervelet et le cerveau antérieur.
- la préparation de faisceaux de fibres optiques pour l’imagerie par fluorescence de l’activité cérébrale chez des souris en comportement libre.
- la découpe d’éléments de boîtes de comportement et labyrinthes pour l’étude des représentations neuronales de l’orientation spatiale.
La fabrication d’implants à fibre optique a par exemple permis de réaliser des illuminations ciblées de noyaux cérébelleux chez la souris éveillée. Dans cette expérience, les neurones sont rendus photosensibles par l’expression (par voie génétique) d’une protéine particulière issue d’algues unicellulaires : la channelrhodopsine (ChR). Les neurones exprimant la ChR sont sélectivement actifs lorsqu’ils sont exposés à de la lumière bleue. Les implants à fibre optique sont suffisamment fins (un cinquième de millimètre de diamètre) pour ne pas causer de dommages une fois insérés dans le cerveau et permettent d’illuminer sélectivement des populations de neurones localisées en profondeur (ici au sein des noyaux cérébelleux). Une équipe de l’IBENS a ainsi pu montrer l’existence de connexions entre les noyaux cérébelleux et des noyaux du cerveau antérieur. L’étude de ces connexions est particulièrement importante pour comprendre comment le cervelet participe à l’activité anormale des structures motrices du cerveau antérieur dans la maladie de Parkinson.
Utilisation de la station de placement de composants Precitec pour la réalisation de circuits intégrés miniatures.
Utilisation de l’imprimante 3D Form2
Les équipes utilisatrices
Cette plateforme de prototypage est actuellement utilisée par 12 équipes de l’IBENS, ainsi que trois équipes externes (l’équipe de Sylvain Gigan du Laboratoire Kastler Brossel de l’ENS, l’équipe de Karim Benchenane du Laboratoire Plasticité du Cerveau de l’ESPCI et l’équipe de Shihab Shamma du Laboratoire des systèmes perceptifs de l’ENS).
Les imprimantes 3D ont par ailleurs été utilisées de manière intensive pendant le premier pic de la pandémie de Sars-CoV-2 au printemps 2020 pour la production de visières de protection à destination des personnels de l’AH-HP, ainsi que pour la fabrication de poignées amovibles permettant d’ouvrir une porte en utilisant uniquement son avant-bras.
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Témoignage de Laurent BOURDIEU, porteur du projet :
« Nous sommes à présent en mesure de réaliser une multitude de tâches que nous aurions dues auparavant sous-traiter (impression 3D, découpe laser, fabrication de circuits intégrés, fabrication de fibres optiques). Les cycles de développement (prototypage, test et améliorations) sont ainsi raccourcis et sont implémentes à moindre coût au plus près des utilisateurs finaux. »
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Crédit photo : © Philippe Fraysseix
Laurent Bourdieu, responsable de la section Neurosciences de l'IBENS
Laurent Bourdieu, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Paris) a effectué une thèse en Physique de la matière condensée à l’UPMC et un stage post-doctoral en biophysique à Rockefeller University (NY). Son activité de recherche porte sur la représentation de l’information sensorielle dans le cortex.
Le centre de recherche
Ce projet est issu d’une équipe de l’Institut de Biologie de l’Ecole Normale Supérieure (IBENS) de Paris .
Publications
Cet ensemble d’équipements a déjà permis la publication de 2 articles scientifiques et un 3ème est en cours de préparation :
- Dual contributions of cerebellar-thalamic networks to learning and offline consolidation of a complex motor task. Varani et al., bioRxiv, Août 2020.
- Bidirectional control of fear memories by the cerebellum through the ventrolateral periaqueductal grey. Frontera et al., Nature Communications, Octobre 2020.
- Highly stable head-holders for experiments in head-fixed animals. Fodor et al., en préparation pour Neurosc. Meth.
Une demande de brevet est également en cours pour le matériel développé permettant de maintenir immobile la tête des animaux pour les expériences de mesure d’activité neuronale sur têtes fixées.
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